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Les secrets constituent un aspect important du pouvoir. Le leader en titre les répand afin de maintenir les hommes en ligne.

 

Prince Raphaël Corrino,

Discours sur le pouvoir dans l’Imperium Galactique, douzième édition.

 

L’homme au visage de furet était perché comme un rapace au second étage de la Résidence d’Arrakeen, épiant l’atrium.

— Vous êtes certain qu’ils sont au courant pour notre petite soirée, hmm ? (Le Comte Hasimir Fenring avait les lèvres craquelées par l’air sec depuis des années.) Vous avez bien envoyé toutes les invitations personnelles ? Et tout le bas-peuple a été prévenu ?

Il se pencha vers Geraldo Willowbrook, le chef de ses gardes. Willowbrook était un personnage ascétique au menton fuyant, en uniforme rouge et or. Il cligna des yeux dans la lumière vive qui pleuvait des fenêtres à boucliers prismatiques.

— Monsieur, votre anniversaire sera une très belle fête. Les mendiants se regroupent déjà devant la poterne principale.

— Mma… hmm… Très bien. Voilà qui fera plaisir à ma femme.

À l’étage inférieur, un des chefs emportait un service à café en argent vers les cuisines. Mille odeurs montaient jusqu’aux narines des deux hommes : celles des soupes exotiques et des sauces que l’on concoctait pour l’extravagant festin, des brochettes de viandes d’animaux inconnus sur Arrakis.

Fenring était agrippé à la balustrade de bois et de fer sculptés. Le plafond gothique culminait en voûte deux étages plus haut, avec ses solives de bois d’elacca et ses verrières de cristoplass. Bien que musclé, il n’était pas corpulent et l’immensité de la demeure lui donnait l’impression d’être un nain. Il avait personnellement commandité les travaux d’embellissement du plafond du Grand Hall et de la Salle de Banquet. De même que l’aile est labyrinthique avait été conçue par lui, avec ses chambres d’hôtes raffinées et ses piscines privées au style décadent.

Depuis dix ans qu’il occupait le poste d’Observateur Impérial sur la planète désertique, il avait toujours été entouré d’une activité fébrile. À la suite de son exil de la Cour de Shaddam sur Kaitain, il avait bien dû imprimer sa marque sur ce monde aride.

La serre était en cours de construction non loin des appartements privés qu’ils occupaient, Dame Margot et lui, et il entendait la rumeur des outils et des chants des ouvriers. Ils creusaient des arcades en trou de serrure, dans le style maure de la Vieille Terre, installaient des fontaines sèches dans les alcôves, décoraient les murs de motifs géométriques colorés. Par chance, l’un des gonds de la lourde porte ornementale avait symboliquement la forme de la main de Fatima, fille adorée d’un ancien prophète de la Vieille Terre.

Fenring était sur le point de congédier Willowbrook lorsqu’un fracas énorme fit trembler l’étage supérieur. Les deux hommes se précipitèrent au long du couloir, entre les étagères de livres. Les domestiques alertés pointaient la tête dans l’embrasure des portes et des tubes ascensionnels.

La porte de la serre était ouverte, révélant un enchevêtrement de métal et de cristoplass. L’un des ouvriers appelait les médics dans le tumulte. Un échafaudage s’était effondré et Fenring se jura de châtier lui-même les boucs émissaires que l’enquête désignerait.

Il se fraya un chemin dans les gravats et leva les yeux. À travers le poutrellage de la voûte, il découvrit un ciel jaune citron. Seules quelques plaques de plass filtrant demeuraient en place. Les autres s’étaient fracassées dans l’amas des tubulures d’échafaudage et il dit d’un ton dégoûté :

— Très malencontreux, hmm ? Je m’apprêtais à inviter nos hôtes à y faire un tour ce soir même.

— Oui, tout à fait malencontreux, monsieur le Comte.

Willowbrook observait les ouvriers qui s’activaient pour tenter de dégager les blessés.

Des médics de la maisonnée en uniforme kaki contournèrent les deux hommes et commencèrent à fouiller dans les débris. L’un d’eux soignait déjà un ouvrier en sang tandis que les deux autres soulevaient une lourde plaque pour dégager d’autres victimes. Le contremaître avait été écrasé et Fenring songea : Cet homme était stupide, mais il a eu de la chance, si l’on considère le sort que je lui réservais pour ce gâchis.

Il consulta son chronomètre de poignet. Il restait deux heures avant l’arrivée des invités. Il fit signe à Willowbrook.

— Faites dégager ça. Je ne veux entendre aucun bruit pendant la soirée. L’effet produit serait fâcheux, n’est-ce pas, hmm ? Dame Margot et moi avons mis soigneusement au point les festivités, jusqu’au moindre détail.

Willowbrook fronça les sourcils, mais se retint de manifester sa méfiance.

— Ce sera fait, monsieur le Comte. En moins d’une heure.

Fenring bouillait de colère. En réalité, peu lui importait les plantes exotiques. Au départ, il avait accepté ce projet coûteux comme une concession à son épouse, Dame Margot, Sœur du Bene Gesserit. Même si elle n’avait demandé qu’une simple salle à sas atmosphérique garnie de plantes, Fenring – toujours ambitieux – avait décidé d’en faire quelque chose de plus somptueux. Il avait conçu le plan de rassembler dans la serre des plantes venues de tous les mondes de l’Imperium.

Quand elle serait enfin achevée.

Il se composa une attitude pour aller accueillir Margot qui revenait du dédale des souks de la cité. Margot avait de longs cheveux blond miel, des yeux gris-vert dans un visage d’une beauté classique et mesurait une tête de plus que son époux. Sa longue robe aba était poussiéreuse.

— Est-ce qu’ils avaient des navets ecazi, ma chère ? demanda le Comte en couvant d’un regard gourmand les deux lourds paquets enveloppés de papier d’épice brun que portaient les deux domestiques mâles.

Margot avait entendu dire qu’un marchand allait débarquer d’un Long-courrier dans l’après-midi et elle s’était précipitée vers le marché d’Arrakeen pour y faire l’achat de légumes rares. Fenring tenta en vain de glisser un regard sous le papier d’emballage mais elle l’écarta d’un geste frivole.

— Est-ce que tout est prêt ici, cher ?

— Hmm… tout se passe bien, oui. Mais nous ne pourrons faire visiter votre nouvelle serre à nos hôtes. Il y a encore trop de désordre.

 

À l’heure du crépuscule, dans l’atrium, Dame Margot Fenring attendait les invités de marque. La salle lambrissée était décorée de portraits des Empereurs Padishah, depuis le légendaire Général Faykan Corerin, qui s’était battu durant le Jihad Butlérien, jusqu’à Raphaël Corrino, Prince éclairé, à Fondil III « le Chasseur » et à son fils Elrood IX.

Au centre se dressait une statue d’or de l’Empereur en titre, Shaddam IV, en grand uniforme Sardaukar, brandissant haut une épée de cérémonie. C’était l’une des commandes les plus coûteuses de l’Empereur durant cette première décennie de son règne. Les présents de Shaddam à son ami d’enfance abondaient dans la Résidence d’Arrakeen et les terres alentour. Les deux hommes s’étaient querellés au moment de l’accession de Shaddam au trône, mais depuis ils n’avaient fait que se rapprocher.

Bientôt, des dames en tenue élégante franchirent les sas des portes, accompagnées par des hommes-corbeaux en smokings noirs post-butlériens ou en uniformes chamarrés. Margot portait pour cette occasion une longue robe de taffetas de soie dont le haut était semé de sequins d’émeraude.

L’huissier en habit clamait les noms des hôtes et Margot les accueillait. Puis ils passaient ensuite dans le Grand Hall, d’où venait déjà un brouhaha de conversations, de rires et de tintements de verres. Des artistes de la Maison Jongleur faisaient des tours et chantaient des couplets amusants pour célébrer le dixième anniversaire de l’arrivée de Fenring sur Arrakis.

Le Comte venait du second étage, vêtu d’un smoking bleu sombre, portant l’écharpe royale cramoisie qui avait été spécialement taillée à son intention sur Bifkar. Margot se baissa légèrement afin qu’il puisse l’embrasser sur la bouche.

— À présent, très cher, venez saluer nos invités, avant que le Baron n’accapare toutes les conversations.

D’un pas léger, Fenring évita une vieille Duchesse à l’air acariâtre venue d’une des sous-planètes de Corrino. Elle passa un goûte-poison sur son verre de vin avant de boire et de glisser discrètement l’appareil dans une poche de sa robe de bal.

Margot suivit son époux du regard : il s’approchait de la cheminée pour s’entretenir avec le Baron Harkonnen, détenteur du fief siridar d’Arrakis et du précieux monopole de l’épice. Dans la clarté des flammes réverbérées par les prismes de l’âtre, le visage bouffi du Baron prenait un éclat sinistre. Il n’avait pas l’air bien du tout.

Depuis qu’elle était arrivée sur Arrakis en compagnie de Fenring, le Baron les avait régulièrement invités à dîner au Donjon ou à assister aux tournois d’esclaves-gladiateurs venus de Giedi Prime. C’était un homme dangereux qui pensait trop à lui-même. Il marchait désormais avec l’aide d’une canne dont le pommeau représentait la gueule béante d’un ver géant.

Margot avait vu la santé du Baron décliner dramatiquement durant ces dix dernières années. Il souffrait d’une mystérieuse maladie musculaire et neurologique qui lui avait fait prendre du poids. Les Sœurs du Bene Gesserit lui avaient appris que cette dégradation physique lui avait été instillée par la Révérende Mère Gaius Helen Mohiam parce qu’il l’avait violée. Mais le Baron Vladimir l’ignorait.

Mohiam, qui était au nombre des invités triés sur le volet pour cette occasion, passa dans le champ visuel de Margot. Elle avait maintenant les cheveux gris et portait la robe aba avec un col serti de diamants. Un sourire effleura ses lèvres minces quand elle l’aperçut. D’un geste subtil des doigts, elle lui adressa un message : « Avez-vous des nouvelles pour la Mère Supérieure Harishka ? Donnez-moi des détails. Je dois lui adresser un rapport. »

Margot répondit de la même manière.

— Situation de la Missionaria Protectiva. Seulement des rumeurs, rien de confirmé. Les Sœurs disparues n’ont pas encore été localisées. Beaucoup de temps s’est écoulé. Elles pourraient toutes être mortes.

Mohiam parut contrariée. Elle avait elle-même travaillé pour la Missionaria Protectiva, l’inestimable division du Bene Gesserit qui infectait les mondes lointains avec ses superstitions. Elle avait passé quelques dizaines d’années ici, au début de sa carrière, sous l’identité d’une femme de la ville, à disséminer des informations, à renforcer des superstitions qui pourraient être bénéfiques pour la cause des Sœurs. Mais au fil des siècles, tant de Sœurs s’étaient aventurées dans le désert profond pour se mêler aux Fremen – et avaient disparu.

Depuis qu’elle était sur Arrakis au titre d’épouse du Comte, on avait demandé à Margot de suivre le travail subtil de la Missionaria. Jusqu’à présent, elle n’avait entendu que des rapports non confirmés sur les Révérendes Mères qui avaient rallié les Fremen pour se fondre dans la clandestinité, aussi bien que des rumeurs sur les rituels religieux de tendance Bene Gesserit qui s’étaient répandues au sein des tribus du désert. Un sietch isolé prétendait avoir une sainte femme. On avait entendu des voyageurs, sous une tente à café de la ville, parler d’une légende messianique visiblement inspirée par la Panoplia Propheticus, mais aucune de ces informations ne provenait des Fremen eux-mêmes. Le peuple du désert, à l’image de sa planète, paraissait impénétrable.

— Peut-être les Fremen ont-ils assassiné les femmes du Bene Gesserit immédiatement et pris l’eau de leurs corps.

— Ces Sœurs ont été avalées par le sable, dit Margot avec un signe bref.

— Néanmoins, retrouvez-les.

D’un simple acquiescement, Mohiam mit fin à leur entrevue et se dirigea vers une porte latérale tandis que l’huissier lançait :

— Rondo Tuek, marchand d’eau !

En se retournant, Margot vit un personnage noueux, aux traits lourds, qui traversait le hall d’une démarche bizarre, capricieuse. Il avait le crâne dégarni, quelques touffes de cheveux brun roux sur les tempes et des yeux gris très écartés. Elle s’avança vers lui.

— Mais oui, le contrebandier.

Les pommettes de Tuek s’assombrirent, puis un large sourire éclaira son visage carré. Il leva l’index à la façon d’un professeur devant un étudiant.

— Je suis un fournisseur d’eau qui travaille dur dans les filons d’humidité sales des calottes glaciaires.

— Sans le patient labeur de votre famille, je suis persuadée que l’Imperium s’effondrerait.

— Ma Dame est trop bonne, fit Tuek en s’inclinant avant de gagner le Grand Hall.

 

À l’extérieur de la Résidence, les mendiants s’étaient rassemblés dans l’espoir d’un geste gracieux du Comte, une rareté. D’autres spectateurs étaient accourus pour les voir et ne quittaient pas des yeux la façade. Des vendeurs d’eau en robe traditionnelle aux couleurs criardes agitaient leurs clochettes en lançant leur cri étrange : « Soo-soo sook ! » Des gardes – empruntés au contingent Harkonnen mais en uniforme impérial pour la circonstance – se tenaient de part et d’autre des portes pour repousser les indésirables et faciliter l’accès des invités. Le tout constituait un cirque authentique.

Dès que le dernier des invités fut arrivé, Margot regarda l’antique pendule du mur, avec ses figurines métalliques et ses carillons délicats. Ils avaient déjà près d’une demi-heure de retard. Margot se précipita vers son époux et lui murmura à l’oreille. Il envoya aussitôt un messager aux Jongleurs qui se turent : un signal familier pour les invités.

— Puis-je avoir votre attention, hmm ?… cria le Comte Fenring. (Des laquais en grande livrée firent leur apparition.) Nous allons gagner la Salle de Banquet !

Selon la tradition, Margot et lui emboîtèrent le pas à leurs hôtes.

De part et d’autre du seuil de la Salle de Banquet, il y avait des bassins carrelés d’or, décorés de mosaïques aux motifs complexes avec les armoiries de la Maison de Corrino et de la Maison Harkonnen. Quant à celles des anciens gouverneurs d’Arrakis, les Richèse, elles avaient été patiemment grattées pour être remplacées par le griffon bleu des Harkonnens. Les invités firent halte devant les bassins, plongèrent les mains dans l’eau et en répandirent un peu sur le sol. Puis ils se séchèrent et jetèrent les serviettes dans la flaque.

Le Baron Harkonnen avait proposé cette coutume afin de montrer qu’un gouverneur planétaire se souciait peu du manque d’eau sur Arrakis. Une démonstration optimiste d’opulence. Cela était du goût de Fenring et l’usage avait été adopté avec toutefois un amendement bénéfique : Dame Margot avait vu là une façon de venir en aide aux pauvres, d’une façon largement symbolique. Avec réticence, son époux lui avait accordé le droit de faire connaître qu’à l’issue de chaque banquet les mendiants seraient les bienvenus autour de la Résidence pour récupérer l’eau qu’ils pourraient essorer des serviettes.

C’est ainsi que, les mains encore humides, Margot entra au côté du Comte dans l’immense Salle de Banquet décorée de tapisseries anciennes, éclairée par des globes-brilleurs à la dérive, à quelques centimètres du sol, qui diffusaient tous la même clarté jaune. Un lustre de quartz d’Hagal bleu-vert éclairait la grande table en bois. Un goûte-poison était dissimulé près du plafond, dans les chaînes de la suspension.

Une petite troupe de laquais disposait les chaises des convives et leur nouait une serviette au cou. Quelqu’un fit un geste maladroit et renversa une girandole qui alla se fracasser sur le sol. Des servantes se précipitèrent pour nettoyer les débris tandis que chacun faisait semblant de n’avoir rien vu.

Margot, installée en bout de table, inclina gracieusement la tête à l’intention du Planétologiste Pardot Kynes et de son fils de douze ans qui avaient pris place à ses côtés. Elle avait été surprise que l’homme du désert, que l’on ne voyait que très rarement, accepte son invitation, et elle espérait bien apprendre combien de rumeurs qui circulaient à son propos étaient fondées. Elle avait appris avec l’expérience que les dîners mondains se caractérisaient par leurs commérages et leur hypocrisie, mais certaines choses ne pouvaient échapper à la sagacité d’une observatrice Bene Gesserit. Elle observa attentivement cet homme ascétique, remarquant un patch de couture sur le col gris de sa tunique de cérémonie et le dessin volontaire de son menton à la barbe fauve.

La Révérende Mère Gaius Helen Mohiam était à deux sièges de là. Hasimir Fenring avait pris place à l’autre bout de la table, avec le Baron Harkonnen à sa droite. Sachant que le Baron et Mohiam se haïssaient, Margot les avait disposés aussi loin que possible l’un de l’autre.

Sur un claquement de doigts de Fenring, des serviteurs firent leur apparition avec des plateaux de hors-d’œuvre exotiques. Ils firent le tour de la table pour les présenter et permettre à chacun de faire son choix.

— Merci de nous avoir invités, Dame Fenring, fit le fils de Kynes en regardant Margot.

Le Planétologiste l’avait présenté sous le nom de Weichih, ce qui signifiait « bien-aimé ». Elle discernait une certaine ressemblance avec son père, mais Weichih n’avait pas le regard rêveur de son père : ses yeux reflétaient la dureté de la vie sur Arrakis.

Elle lui sourit.

— L’un de nos chefs est un Fremen de la cité. Il nous a préparé une des spécialités du sietch pour le banquet, des cakes à l’épice, avec du miel et des graines de sésame.

— La cuisine Fremen est à la mode dans l’Imperium ? demanda Kynes avec un sourire moqueur.

Il avait l’air d’un homme qui considérait la nourriture comme un simple moyen de sustentation et les festins comme une distraction après le travail.

— La cuisine est une question de… goût.

Margot avait choisi ses mots avec diplomatie et ses yeux pétillaient.

— Je considère cela comme un non, dit Kynes.

Des servantes de haute taille venues d’autres mondes circulaient à présent autour de la table avec des bouteilles à col étroit remplies de vin bleu à l’épice. À la stupéfaction des habitants d’Arrakis, des plateaux de poissons firent leur apparition, décorés de grosses moules de Buzzell béantes. Même les plus riches d’entre eux ne dégustaient que très rarement des fruits de mer.

— Ah ! s’exclama Fenring ravi, devant un plateau dont une servante venait de lever le couvercle. Je raffole de ces navets d’Ecaz, hmm… Merci, très chère.

La servante ajouta deux cuillerées de sauce brune sur les légumes.

— Rien n’est trop somptueux pour nos honorables invités, dit Margot.

— Laissez-moi vous expliquer pourquoi ces légumes sont si coûteux, bougonna le diplomate d’Ecaz, retenant soudain l’attention de la tablée.

Il se nommait Bindikk Narvi, il était fluet, mais sa voix était profonde et sonore.

— Le sabotage des cultures a terriblement réduit les récoltes et nos exportations dans tout l’Imperium. Nous avons appelé ce nouveau fléau la « rouille de Grumman ».

Il décocha un regard mauvais à l’Ambassadeur de Grumman, de l’autre côté de la table, le corpulent représentant Moritani, à la peau sombre et plissée qui avait l’air d’un solide buveur.

— Nous avons également découvert d’autres sabotages dans les forêts d’arbres-brouillard du continent d’Elacca.

Dans tout l’Imperium, on prisait les sculptures de bois-brouillard ecazi dont la croissance était sensible à la pensée humaine.

Contrairement à l’Ecazi, Lupino Ord avait une voix haut perchée.

— Une fois encore, les Ecazis simulent une mauvaise récolte pour faire grimper les prix. Un vieux truc qui est en usage depuis que leurs voleurs d’ancêtres ont été chassés de la Vieille Terre.

— Mais ça n’est pas du tout…

— Messieurs, je vous en prie, intervint Fenring.

Les Grummans avaient toujours été très capricieux, prêts à se venger à la moindre insulte, ce qu’il jugeait plutôt vain et exaspérant.

Il regarda sa femme.

— Est-ce que nous aurions commis une erreur dans le plan de table, très chère, hmm ?…

— À moins que ce ne soit dans la liste des invités, fit-elle d’un ton piquant.

Des rires polis, embarrassés, couraient autour de la table. Les deux adversaires s’étaient tus, mais continuaient d’échanger des regards noirs.

— C’est très aimable de la part de notre éminent Planétologiste d’avoir amené son fils, déclara le Baron Harkonnen d’un ton suave. Un bien joli garçon. Vous avez l’honneur d’être le plus jeune convive de cette table.

— Je suis moi-même très honoré d’être en aussi prestigieuse compagnie, répliqua le jeune garçon.

— J’ai entendu dire que l’on vous éduquait afin de succéder à votre père, reprit le Baron. (Margot décela le sarcasme soigneusement dissimulé sous sa voix de basse.) Je ne sais pas comment nous ferions sans Planétologiste.

À vrai dire, Kynes se montrait rarement en ville et n’adressait qu’à de longs intervalles ses rapports à l’Empereur. Qui ne les lisait sans doute guère et ne s’en souvenait pas. Margot avait appris par son mari que Shaddam était pris par d’autres questions – qu’il n’avait pas encore dévoilées.

Les yeux brillants, Weichih leva une carafe d’eau.

— Puis-je proposer un toast à nos hôtes ?

Pardot Kynes sourcilla devant la hardiesse de son fils, comme s’il était surpris qu’il l’ait précédé dans cette initiative courtoise.

— Excellente suggestion, gloussa le Baron, et Margot remarqua la mollesse de son phrasé : il avait déjà bu trop de vin de Mélange.

Le jeune garçon déclara alors :

— Que la fortune que vous déployez ici pour nous, avec tous ces mets et cette abondance d’eau ne soit que le pâle reflet des richesses de vos cœurs.

L’assemblée se joignit à ce vœu, mais Margot surprit un éclat de cupidité dans les yeux de tous. Le Planétologiste leva le doigt et, quand les tintements de cristal s’éteignirent, il exprima enfin sa pensée :

— Comte Fenring, je crois savoir que vous auriez une serre sophistiquée en construction dans ces lieux. Je serais intéressé de la voir.

Margot comprit alors pourquoi Kynes avait accepté l’invitation, pourquoi il avait fait tout ce chemin depuis les profondeurs du désert. Avec sa tunique usée, sa culotte et sa cape brune décolorée, il évoquait plus un Fremen du bled qu’un fonctionnaire impérial.

Le Comte Fenring plissa les lèvres, visiblement mal à l’aise.

— Vous avez appris notre petit secret, hmm ? J’avais l’intention de le révéler à nos hôtes ce soir, mais tristement des retards ont rendu cela impossible. Ce sera pour une autre fois, peut-être.

— Mais en possédant une serre privée, ne faites-vous pas étalage de biens que les gens d’Arrakis n’ont pas ? demanda Weichih.

— Pas encore, souffla Pardot Kynes.

Margot l’entendit et songea : Intéressant. Elle savait maintenant que ce serait une erreur de sous-estimer cet homme rude autant que son fils.

— Je suis certaine que c’est une entreprise magnifique de collecter des plantes venues de tous les coins de l’Imperium, non ? fit-elle d’un ton patient. Je pense que c’est un vrai spectacle des richesses que l’univers nous offre, plutôt qu’un rappel de ce dont le peuple manque.

D’un ton bas mais ferme, Pardot Kynes admonesta son fils :

— Nous ne sommes pas venus pour imposer nos vues aux autres.

— Bien au contraire, intervint Margot, ignorant les regards féroces qu’échangeaient encore les ambassadeurs d’Ecaz et de Grumman. Ayez la bonté de nous faire part de vos considérations. Nous n’en prendrons pas offense, je vous le promets.

— Oui, expliquez-nous comment pensent les Fremen. Nous voulons tous savoir ! lança un importateur d’armes de Carthag aux mains lestées de bagues de pierres précieuses.

Kynes acquiesça lentement.

— J’ai vécu avec eux depuis bien des années. Pour comprendre les Fremen, il faut réaliser avant tout que leur esprit est régi par la survie. Ils ne gaspillent rien. Tout est récupéré, réutilisé.

— Jusqu’à la moindre goutte d’eau, dit Fenring. Même celle des cadavres, hmm ?

Kynes jeta un regard à son fils avant de revenir à Margot.

— Votre serre privée aura besoin de beaucoup de notre eau si précieuse.

— Oui, mais en tant qu’Observateur Impérial, je puis disposer à mon gré des ressources naturelles, contra Fenring. Je considère que la serre de mon épouse est une dépense justifiée.

— Nous ne mettons pas vos droits en doute, répliqua Kynes, d’un ton aussi roide que le Mur du Bouclier. Et je suis le Planétologiste de l’Empereur Shaddam, comme je l’ai été pour Elrood IX avant lui. Comte Fenring, nous avons chacun nos devoirs. Ne comptez pas sur moi pour vous délivrer des discours sur les objectifs écologiques. Je ne faisais que répondre à la question de votre Dame.

— Eh bien, en ce cas, Planétologiste, dites-nous quelque chose que nous ne savons pas à propos d’Arrakis, fit le Baron en baissant les yeux sur la table. Vous êtes ici depuis suffisamment longtemps. Mes hommes sont plus nombreux à y trouver la mort que dans n’importe quel autre fief Harkonnen. La Guilde ne parvient même pas à placer des satellites météo sur orbite. C’est très frustrant.

— Et grâce à l’épice, très profitable, ajouta Margot. Plus particulièrement pour vous, cher Baron.

— Cette planète défie la compréhension, déclara Kynes. Et il faudra bien plus que ma brève existence pour déterminer ce qui s’y passe. Je sais au moins ceci : nous devons apprendre à vivre avec et non contre le désert.

— Est-ce que les Fremen nous détestent ? demanda la duchesse Caula, une cousine de l’Empereur, en portant à sa bouche une fourchette d’abats flambés.

— Ce sont des insulaires des sables qui se montrent méfiants avec tout ce qui n’est pas Fremen. Mais ils sont honnêtes, directs, avec un code de l’honneur que nul à cette table ne saurait comprendre vraiment, pas même moi.

Ce fut Margot qui posa la question suivante, avec un battement de cils élégant, guettant la réaction de Kynes.

— Ce que nous avons entendu dire est-il exact, Planétologiste ? Vous seriez devenu un des leurs ?

— Je reste un serviteur impérial, ma Dame, quoiqu’il y ait beaucoup à apprendre en écoutant les Fremen.

Des murmures s’élevèrent et certains convives se lancèrent dans des discussions à l’instant où arrivaient les premiers desserts.

— Notre Empereur n’a toujours pas d’héritier, remarqua Lupino Ord, le représentant de la Maison Moritani de Grumman, presque ivre. (Il ajouta de sa voix pointue :) Il n’a que deux filles, Irulan et Chalice. Non pas que les femmes soient sans valeur. (Il leva ses yeux charbonneux au regard mauvais, affrontant le regard désapprobateur de plusieurs dames de la tablée.) Mais sans héritier mâle, la Maison de Corrino devra se retirer en faveur d’une autre.

— S’il vit aussi longtemps qu’Elrood, notre Empereur a peut-être encore un siècle devant lui, dit Margot. Peut-être n’avez-vous pas encore appris que Dame Anirul porte à nouveau un enfant ?

— Mes devoirs me tiennent souvent à l’écart des informations majeures, fit Ord en levant son verre. Espérons donc que ce sera un garçon.

— Écoutez, écoutez ! lancèrent plusieurs convives.

Mais l’Ecazi, Bindikk Narvi, eut un geste obscène. Margot avait depuis longtemps entendu parler de l’hostilité entre l’Archiduc Armand d’Ecaz et le Vicomte Moritani de Grumman, mais elle n’avait jamais vraiment réalisé quel degré elle atteignait désormais. Elle regrettait d’avoir placé les deux diplomates trop près l’un de l’autre.

Ord empoigna une bouteille et se versa un autre verre sans attendre qu’un serveur le fasse.

— Comte Fenring, vous possédez de nombreuses œuvres d’art représentant notre Empereur : des peintures, des statues, des gravures. Est-ce que Shaddam n’engloutirait pas trop d’argent pour ces autocélébrations ? Elles ont fleuri dans tout l’Imperium.

— Et quelqu’un passe son temps à les dégrader ou à les renverser, remarqua l’importateur d’armes de Carthag d’un air méprisant.

En pensant au Planétologiste et à son fils, Margot choisit un gâteau au Mélange sur le chariot des desserts. Sans doute leurs hôtes n’avaient-ils pas entendu d’autres rumeurs selon lesquelles ces cadeaux artistiques dissimulaient des appareils qui enregistraient toutes les activités dans l’ensemble de l’Imperium. Comme la plaque qui ornait le mur, juste derrière Lupino Ord.

— Shaddam entend laisser la marque de son règne, hmm ? répliqua Fenring. Je le connais depuis de longues années. Il souhaite s’écarter de la politique de son père qui a eu un règne tellement interminable.

— Peut-être, mais il néglige l’entraînement des troupes Sardaukar tout en augmentant le nombre de leurs généraux… Comment les appelle-t-on déjà ?

— Des Bursegs, répondit quelqu’un.

— Oui, ils sont sans cesse plus nombreux grâce à lui, avec des soldes exorbitantes et des tas d’avantages. Le moral des Sardaukar doit décliner vu qu’ils ont de plus en plus à faire avec de moins en moins de moyens.

Margot remarqua que son époux était dangereusement serein. Les yeux rétrécis, il fixait l’ivrogne imprudent.

Une femme se pencha pour murmurer à l’oreille d’Ord et il effleura du doigt le bord de son verre.

— Mais oui, je m’excuse d’évoquer des choses aussi évidentes devant quelqu’un qui connaît si bien l’Empereur.

— Vous êtes un idiot, Ord ! tonna Narvi, qui avait attendu cette chance d’insulter l’autre.

— Et vous, vous êtes stupide et déjà mort.

Le Grumman se leva en renversant sa chaise. Ses gestes étaient rapides, trop précis. Avait-il feint de trop boire rien que pour provoquer son adversaire ?

Il leva un pistolet scie-disque étincelant et fit feu sur l’autre à plusieurs reprises, dans un bruit assourdissant.

Les disques déchirèrent le visage et le torse de l’Ecazi qui mourut bien avant que le poison des dents fasse son effet.

Les convives jaillirent de la table en hurlant. Des laquais bondirent sur Ord et lui arrachèrent son arme. Quant à Margot, elle était demeurée immobile, plus étonnée que terrifiée. Qu’est-ce qui a pu m’échapper ? Jusqu’où va donc la haine entre la Maison Armand et la Maison Moritani ?

— Bouclez-le dans un des tunnels du sous-sol, ordonna Fenring. Sous garde permanente.

— Je bénéficie de l’immunité diplomatique ! piailla Ord. Vous n’allez quand même pas avoir l’audace de m’arrêter ?

— Ne vous fiez pas à mon audace. (Fenring affronta les regards offensés des autres.) Je ne peux simplement permettre à mes hôtes de vous punir, et par là d’exercer leur propre… immunité, n’est-ce pas, hmm ?

Fenring leva le bras et l’Ambassadeur de Grumman, en dépit de ses protestations balbutiantes, fut évacué derrière une haie de protection.

Des médics arrivèrent, ceux-là mêmes que Fenring avait vus après l’effondrement de l’échafaudage de la serre. À l’évidence, il n’y avait plus rien à faire pour l’Ecazi mutilé.

Un petit massacre pour la soirée, songea-t-il. Et je n’en suis même pas responsable.

— Hmm… fit-il en se tournant vers Margot. Je redoute que cela ne soit considéré que comme un simple… incident. L’Archiduc Ecaz va devoir formuler une plainte officielle et nul ne peut dire ce que le Vicomte Moritani va répondre.

Il ordonna aux domestiques d’évacuer le corps de Norvi du hall. La plupart des invités s’étaient réfugiés dans d’autres salles de la résidence.

— Est-ce que nous devons les rappeler ? demanda le Comte en serrant la main de son épouse. Je déteste les soirées qui se terminent ainsi. Nous pourrions rappeler les Jongleurs, non ? Rien que pour qu’ils racontent des histoires drôles…

Le Baron Harkonnen vint les rejoindre en s’appuyant sur sa canne.

— Comte Fenring, cela dépend de votre juridiction, et non de la mienne. Vous devez faire un rapport à l’Empereur.

— Je m’en charge, dit Fenring, d’un ton sec. Il faut que je me rende sur Kaitain pour un autre problème et je donnerai à Shaddam tous les détails nécessaires. Ainsi que toutes les excuses qui s’imposent.

La Maison Harkonnen
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